Les sons du futur

On rêve tous de mélodies agréables ou de silence, mais dans la réalité, c’est souvent le contraire que l’on rencontre, surtout en zone urbaine: la lourdeur des marteaux piqueurs qui rivalisent d’intensité avec la circulation des voitures sans oublier le brouhaha constant des passants, c’est souvent notre lot quotidien de nuisances!

Ce que l’on ignore, c’est que tous les bruits découlant de nos émulsions sociales sont savamment étudiés en amont. En matière d’identités sonores, rien n’est laissé au hasard, et l’IRCAM le sait bien (Institut de Recherche et Coordination Musique/Acoustique). Ainsi, le moindre impact sur notre oreille, et a fortiori sur notre cerveau, est régi par ce qu’il convient de nommer le “design sonore” si cher aux constructeurs automobiles et aux chefs d’orchestre de l’urbanisme.

On connaît les bruits qui ont jalonné notre enfance, mais qu’en est-il de ceux qui vont surgir dans un futur proche à l’heure de la technologie à outrance?

Nostalgie du passé ou vraie écologie sonore?

Dans un monde ultraconnecté, certains pionniers entrent en résistance et s’attèlent à réinventer la “chanson”. Dans certaines zones de friches artistiques, la “domozique” a vu le jour. Dans ce courant musical hybride, il s’agit de faire du neuf avec du vieux, à savoir redonner une seconde vie à des objets de récupération à bout de souffle. On salue l’initiative participative qui vise à ne pas gaspiller des trésors invisibles aux accrocs du consumérisme!

Dans le Nord de la France, Jean-Marc Delannoy qui a travaillé un temps pour le Futuroscope et A.R.T. (Animation Research and Technology) a contribué à l’émergence de ces domophones. Ces machines sonores improbables que ne dénigrerait pas l’homme-orchestre Rémy Bricka sont élaborées à partir de robots ménagers usagers. C’est aussi l’occasion d’explorer le fantastique caché dans la banalité du quotidien, ce qui est l’un des rôles majeurs de l’Art s’il en est!

domozique

Tous au même diapason?

Néanmoins, on est encore loin de l’harmonie parfaite entre politique urbaine et besoins sociaux. Le danger étant de surinterprêter les envies de technologies des citoyens, et d’arriver à une cacophonie de projets, il serait alors urgent de s’écouter et d’oeuvrer pour le bien commun. Dès lors, est-ce un rêve ou un cauchemar qui s’annonce? On serait tentés de dire: un peu des deux. Les avancées en termes de digitalisation allant bon train, la majorité des acteurs gouvernementaux et sociaux manquent encore de recul sur notre avenir proche, notamment à cause des couacs autour de la 5G que l’on connaît bien. Rappelons le phénomène de l’électrosensibilité qui concernerait 3,3 millions de Français selon l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), et on comprend bien que préserver notre ouïe est important pour soigner tout le reste…

Tirer le meilleur parti des sons

Par le passé, on ne bénéficiait pas de sonomètres, ni d’applications sur notre smartphone comme Shazam pour identifier n’importe quelles chansons, ou de plateformes comme “Sounds of forest” pour s’évader. L’air de rien, la révolution de l’audio-visuel est loin d’être la seule, et on oublie trop souvent que l’on baigne constamment dans un fond sonore jusqu’à saturation. Selon une étude de l’INSEE en 2002, 54% des personnes se sentent oppressées par le bruit, même à leur domicile! L’essentiel de cette pollution sonore étant causée par les transports routiers, les recherches autour de la voiture de demain se sont concentrées également autour de la question du bruit du moteur. Paradoxalement, il est utile de garder un semblant de “son suffisant” pour que le piéton ne se fasse pas renverser parce qu’il n’a pas perçu la présence du véhicule. Pour cela, une loi fédérale a même été votée en 2019 aux États-Unis. On voit qu’au même titre que les signalétiques visuelles, l’être humain a besoin des empreintes du son pour évoluer en ville!

Il faudra faire confiance aux chercheurs pour ne pas diffuser des mauvaises ondes pour les oreilles sensibles, notamment celles des autistes, souvent misophones, ou des personnes souffrant d'hyperacousie ou encore d’acouphènes (16 millions en France selon l’Association Journée Nationale de l’Audition (JNA) et IPSOS). La solution serait de privilégier les bandes sonores positives comme celles des casinos où le cliquetis des pièces d’or coulant à flot lors du jackpot; tout comme celui des boules au tirage du loto, provoque une montée de plaisir!

Les sons de demain seront-ils créatifs?

À l’heure actuelle, le net pullule de recettes miracles pour se guérir des “effets Larsen”, comme l’ASMR ou les bruits blancs. Ce sont des sons épurés provenant parfois de la nature, mais pas seulement. On peut également en créer artificiellement pour accroître leur côté hypnotique. Censés apaiser, ils permettent à 85% des nouveaux-nés de s’endormir au bout de 5 minutes. Mais comme tout ce qui est agréable, ils pourraient créer une véritable dépendance!

En écoles d’Art, de nombreux ateliers sonores mettent en place des programmes de recherches au travers d’installations. Il doit être jouissif d’être un apprenti-sorcier en la matière, et on ne saurait trop recommander de suivre l’évolution de cet art dans les spectacles contemporains ou de lire également “Les Arts sonores” d’Alexandre Castant.

 

En résumé, il n’y a pas pire bruit que celui qui nous parasite à notre insu, si l’on tient au pouvoir de notre consentement. Alors, puisons dans nos ressources pour créer un paysage sonore qui reste résolument humain!